Hugo Chavez sera candidat en 2012. Le président vénézuélien a remporté haut la main le référendum qui lui permettra de se représenter autant de fois qu'il le souhaite. Mais il n'est pas assuré de gagner. Le scrutin du 15 février a conforté la légitimité électorale du président vénézuélien, s'il en était encore besoin. Au pouvoir depuis dix ans, M. Chavez s'est soumis au verdict des urnes plus souvent qu'aucun président en exercice.
La "révolution bolivarienne" de M. Chavez est, aux yeux de ses partisans, l'incarnation de la démocratie participative et "protagonique", inscrite dans la Constitution de 1999. Ses détracteurs dénoncent une démocratie plébiscitaire qui fait peu de cas de la séparation des pouvoirs. Ils s'inquiètent d'un discours révolutionnaire qui polarise la société et méconnaît les vertus de l'alternance.
L'opposition - qui a un temps rêvé de renverser M. Chavez - est désormais convaincue qu'il lui faut jouer le jeu des élections. Les partis d'opposition ont reconnu le résultat du référendum, sans crier cette fois à la fraude. Fragmentés, sans chef de file, ils paient encore le prix de leurs erreurs passées. Et les jeunes leaders issus du mouvement étudiant peinent à s'imposer au sein d'une coalition qui va de la droite dure au centre gauche. Cependant, les élections législatives de 2010 devraient permettre à l'opposition de revenir à l'Assemblée nationale, dont elle est absente pour avoir boycotté le scrutin de 2005.
M. Chavez a montré qu'il peut et sait perdre une élection. Les consultations locales de novembre 2008 ont vu la victoire relative de l'opposition, qui a remporté cinq Etats et la mairie de Caracas. Un an plus tôt, en décembre 2007, les électeurs s'étaient prononcés à une courte majorité contre un projet de réforme constitutionnelle qui prévoyait, entre autres, la réélection présidentielle illimitée.
M. Chavez est revenu à la charge, en proposant cette fois un nouveau référendum portant sur la réélection de tous les élus : président, gouverneurs et maires. La campagne en faveur du oui, comme celle de l'opposition, s'est centrée sur sa personne. "C'est mon destin politique qui se joue", a déclaré M. Chavez au matin du 15 février. Fort de son charisme personnel et des phénoménales ressources publiques engagées dans la campagne, le chef de l'Etat a réussi à mobiliser en faveur du oui la majorité des abstentionnistes de 2007. C'est dire que les chavistes critiques ont cette fois largement fait bloc autour de leur leader. L'incurie gouvernementale et la corruption ambiante les exaspèrent, mais ils y voient "un mal de toujours". Et restent convaincus que les partis traditionnels ne feront pas mieux.
Dans une Amérique latine marquée par une longue tradition de "caudillisme", le chef de l'Etat est souvent plus populaire que son gouvernement. M. Chavez n'est pas l'exception. La réélection présidentielle a le vent en poupe dans la région. La Bolivie et l'Equateur viennent de l'introduire dans leur nouvelle Constitution. En Colombie, le président Alvaro Uribe voudrait bien modifier celle de son pays pour pouvoir briguer un troisième mandat.
Toutefois, le président vénézuélien a gagné son référendum sans faire le plein des voix qu'il avait obtenu lors de sa réélection, en 2006. Près d'un million de personnes qui avaient alors voté pour lui ne l'ont pas fait le 15 février. Dans un pays polarisé à l'extrême entre chavistes et anti-chavistes, le transit des électeurs d'un camp à l'autre se fait difficilement. Mais il joue contre M. Chavez. "Je connais des chavistes devenus anti-chavistes. Je ne connais pas d'anti-chavistes devenus chavistes", résume une observatrice.
M. Chavez doit relever le défi de l'usure du pouvoir, alors même que le prix du baril de pétrole est en berne. Dans un "pétro-Etat" comme le Venezuela, c'est lui qui définit les performances économiques du pays. Et il pèse sur les résultats électoraux. Indépendamment de ses mérites ou de ses tares, la "révolution bolivarienne" de M. Chavez obéit à la règle.
Par le biais des "missions", ses programmes sociaux, le gouvernement a distribué la manne pétrolière aux laissés-pour-compte du développement. Le pouvoir d'achat a progressé, la pauvreté, reculée. Miné par la grève patronale de 2002 et par l'orientation économique du gouvernement, le secteur privé bat de l'aile. Faute d'un projet de développement durable, les exportations et les revenus de l'Etat dépendent plus que jamais du pétrole. Le "socialisme du XXIe siècle" prôné par M. Chavez reste un socialisme rentier. Alors que les caisses de l'Etat se vident, que la monnaie se déprécie sur le marché parallèle, que l'inflation dépasse les 30 % et que rien ne permet d'espérer, à court terme, une hausse des prix du brut, le président vénézuélien a des raisons de s'inquiéter.
Politique hors pair et phénoménal orateur, M. Chavez saura-t-il gérer l'austérité et le mécontentement de sa base, si la crise s'installe ? L'historienne Margarita Lopez Maya rappelle "qu'il n'avait jamais parlé de socialisme avant son élection de 1998". Va-t-il choisir maintenant la fuite en avant ? Ou le virage ? L'opposition saura-t-elle proposer un leadership et un projet plus crédibles que lui ? Le jeu politique reste ouvert d'ici à 2012.
Courriel : delcas@lemonde.fr.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu