De Mérignac, ils militent pour les disparus d’Argentine depuis bientôt 30 ans


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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 09/12/2008 PAR Joël AUBERT

L’histoire commence quand le groupe n°214 de Mulhouse pour Amnesty International reçoit son dossier spécial. A l’intérieur : des informations concernant un prisonnier tchécoslovaque, deux femmes argentines enlevées enceintes et un bébé de 3 mois, Clara Anahi.
C’est pour ce bébé, petite-fille de « Chicha » – la célèbre argentine qui a fondé le mouvement des Grands-mères de la place de Mai – que Marie-Pierre et Hervé vont militer. Ils ont alors la vingtaine et sont le « produit des années 60-70 ». Ils ont connu les soubresauts de la Guerre froide, celle du Vietnam et des Malouines. Et puis il y a eu la junte militaire argentine de 1976 et les 30 000 disparitions dont elle fût à l’origine dans le pays.

Adoption
« Cette période a été effroyable pour l’Argentine. La junte militaire voulait purger la population de tous les intellectuels  » indésirables « . On tuait les hommes, mais on enlevait aussi les femmes enceintes. » Une fois qu’elles avaient accouché en prison, elles étaient assassinées. Et leurs enfants, confiés à des familles dans «le droit chemin ». La junte jugeait que les enfants pouvaient être « récupérables » si on les confiait à de « bonnes » familles, celles des militaires le plus souvent. « Certains étaient de bonne foi parce qu’ils croyaient avoir entre les mains un bébé abandonné par une adolescente des bidonvilles. Mais ceux qui savaient, ont souvent caché l’adoption et mentent jusqu’à aujourd’hui sur le passé de  » leurs » enfants », continue de dire Marie-Pierre. Le couple n’est pas moins révolté qu’il l’était dans sa jeunesse. Pire. Ils ont eu le temps de compiler plus d’informations encore et d’apprendre des choses nouvelles. Ils ont aussi, maintenant, le recul nécessaire pour endurer cette situation.
Quand elle effleure les photos des enfants enlevés, Marie-Pierre souffre comme une mère. Elle a ce quelque chose d’infiniment concernée dans le regard. Hervé, lui, veut une mémoire infaillible sur le sujet. Les faits sont précis, les histoires détaillées. Un peu comme si aucun droit à l’erreur ne lui était permis. C’est comme si ce couple avait eux-mêmes perdu un de leurs enfants. La petite Clara Anahi, ils l’ont un peu adopté.

Médiatisation
Aujourd’hui ils ne font plus partie d’aucun groupe d’Amnesty. « Nous sommes membres individuels, c’est-à-dire qu’on cotise et qu’on reçoit les journaux d’information », précise Hervé. Mais ils ont gardé de ces années, toutes les astuces pour sensibiliser l’opinion à un évènement. « L’objectif c’était d’attirer l’attention. On faisait signer des pétitions pour expliquer aux gens la situation, on envoyait des courriers aux autorités en leur rappelant la signature de textes officiels qu’ils bafouaient. La cible d’Amnesty, c’est l’opinion publique. On travaillait dans ce sens », explique Marie-Pierre.
Maintenant qu’ils sont « membres individuels », ils continuent à user des mêmes méthodes. A plus petite échelle. Chaque article qui à trait à l’Argentine ou aux disparus est soigneusement mis de côté. La moindre occasion de parler publiquement de cette histoire est exploitée. Hervé s’est rendu en Argentine pour y rencontrer la grand-mère, Maria Isabel Mariani, celle qu’on appelle « Chicha ». Marie-Pierre s’applique à classer les archives qu’ils ont collectées. Ils sont un soutien financier à la famille argentine. Et publient aussi des annonces dans la presse nationale à chaque date anniversaire de l’enlèvement de Clara. Libé, Le Monde et d’autres, ils ont tous contribué à ce que quelqu’un lise un jour le nom de Clara Anahi Mariani.

La « petite » disparue, qui aurait aujourd’hui 32 ans et qui « n’a jamais été identifiée comme morte », fait partie intégrante de leur vie. Marie-Pierre et Hervé se sont rencontrés pour la première fois au groupe 214 de la rue de Habsheim. Ils ont travaillé ensemble sur ce dossier, se sont mariés et continuent aujourd’hui de militer pour que la vérité éclate. Même leur fille aînée porte la marque de ce combat : « on l’a appelé Margot Clara Anna. A la mémoire du bébé enlevé ». Une fille que Chicha, la grand-mère, considère comme sa filleule.

Virginie Wojtkowski


L’association Carla Anahi : www.asociacionanahi.orgasociacionanahi@yahoo.com



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