A l'issue du référendum révocatoire destiné à renforcer l'assise politique d'Evo Morales pour sortir la Bolivie de l'impasse, le président socialiste Evo Morales et son vice-président ont été confirmés à leurs postes respectifs avec plus de 60 %
des voix. Mais son principal opposant, le gouverneur libéral de Santa Cruz Ruben Costa a lui aussi été largement confirmé, ainsi que trois autre gouverneurs libéraux. Une situation dont Laurent Lacroix, chercheur à l'Institut des hautes études internationales et du développement à Genève, analyse les effets à court et moyen terme.
Sur quoi repose le conflit entre le pouvoir central et les régions ?
Il y a un désaccord fondamental entre le gouvernement et les préfets de l'opposition sur deux points : l'organisation politico-administrative du pays, notamment l'importance des départements, et la redistribution des ressources. Sur le premier point s'opposent la vision gouvernementale, qui est inscrite dans la nouvelle Constitution votée en décembre 2007, et la vision des préfets de région, inscrite dans les statuts d'autonomie qu'ils ont fait voter. Sur la question de la redistribution des ressources issues notamment de l'exploitation des hydrocarbures, les statuts d'autonomie prévoient une large part de royalties pour les départements, alors que la Constitution gouvernementale prévoit d'utiliser ces ressources pour la mise en place de vastes politiques sociales dans tout le pays.
A l'issue de ce référendum, va-t-on vers un renforcement de la crise politique bolivienne ?
Deux scénarios sont possibles après cette double victoire. Elle peut mener à une
explosion sociale, ou, au contraire, à une ébauche de dialogue entre le
gouvernement et l'opposition. Ni le gouvernement, ni les préfets de l'opposition n'ont intérêt à
continuer sur ce registre du statu quo. Selon moi, c'est donc le deuxième
scénario qui se profile, mais pas à court terme.
On ne pouvait pas attendre d'Evo Morales ou de Ruben Costas qu'ils déclarent : "Il y a match nul, nous sommes ex-aequo, nous allons donc entamer des négociations".Pour l'instant, il faut
satisfaire ses bases en campant sur ses positions, mettre tous
les atouts de son côté, afin de négocier au mieux. Mais les mouvements sociaux s'épuisent, et les
habitants de Santa Cruz eux-mêmes commencent à se lasser de la crise
politique. La légitimité de chaque camp va donc être entamée s'ils
continuent leur bras de fer. Car il n'y a pas d'issue politique à ce
conflit. Santa Cruz pourra continuer sur sa lancée, élaborer des lois,
notamment une loi agraire, et organiser des élections départementales, d'ores et déjà annoncées par Ruben Costas. Et après ? Si la communauté internationale
ne reconnaît pas l'autonomie de fait déclarée par son préfet, cette
région ne pourra pas aller plus loin.
Je pense donc que d'ici quelques
semaines, des négociations pourraient se concrétiser,
notamment par l'intermédiaire de l'Organisation des Etats américains,
voire de l'Eglise. Il faut garder
en tête que ce référendum a été présenté par les deux camps commme une
voie de sortie de la crise politique. Trouver une solution est donc
essentiel pour chacun des camps : il en va de leur légitimité. Mais il faudrait que le gouvernement d'Evo Morales fasse le premier pas.
Evo Morales a déclaré vouloir continuer les réformes et la promotion de sa Constitution. Est-il réellement prêt au dialogue avec l'opposition?
Le gouvernement semble déjà ouvert à des négociations. El Deber, journal d'opposition de Santa Cruz, cite aujourd'hui des propos d'Evo Morales dans lesquels celui-ci déclare qu'il souhaite lier la nouvelle Constitution et les statuts d'autonomie votés par les régions. Si cette information est exacte, il y a là le signe évident d'une ouverture.
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